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Quand le wokisme se déguise en science

Marc Reisinger

Observatoire de Recherche ou Inquisition ?


J’ai déjà montré comment la chroniqueuse Myriam Leroy dramatisait le cyberharcèlement dont elle était victime : « Cyberharcèlement : une journaliste belge se victimise dans un roman… mais se prend les pieds dans le tapis. »


Par la suite elle a tiré de cette expérience une pièce de théâtre, un documentaire, de multiples interview et conférences... Ne pouvant se lasser du sujet, elle revient aujourd’hui sur une conversation Messenger privée d’il y a cinq ans. Elle a eu l’idée saugrenue de soumettre ces messages à douze artistes. Les œuvres inspirées par ce corpus, comme elle baptise pompeusement notre conversation, sont exposées en ce moment dans une galerie bruxelloise sous le titre : Sexisme pépouze.


Pour étoffer cette exposition un peu malingre, célébrée par la RTBF, Le Soir, Bxl, et autres médias, Myriam Leroy s’est adjoint les services de deux « chercheur.euse.s » (langage inclusif oblige) Clémence Petit et Louis Escouflaire, doctorants de l’UCLouvain, qui introduisent leur travail de la manière suivante :


Nous avons cherché à comprendre quelle forme prend le discours de haine sexiste dans un contexte de conversation privée


Il est intéressant de confronter cette accusation initiale de « haine sexiste » avec la conclusion de l’étude :


Contrairement aux résultats d’autres travaux réalisés sur des corpus de messages misogynes publics (tels que des tweets ou commentaires Facebook), les menaces et la violence verbale sexiste sont ici peu présentes https://louisescouflaire.github.io/analyses_sexismepepouze.pdf


Voici comment les chercheur.euse.s  décrivent le contexte de leur étude :


Alors qu’elle attendait un procès, cinq de ses harceleurs (4 hommes et 1 femme) s’échangeaient des messages privés dans une conversation Facebook Messenger, fin 2019.


Petit détail escamoté par ces chercheur.euse.s supposées se livrer à un travail scientifique neutre : les « harceleurs » désignés étaient presque tous victimes de plaintes  et de procès lancés par Myriam Leroy – dont elle a pour la plupart été déboutée (un procès reste en appel).


Le point de départ de la discussion sur Messenger était une plainte de Myriam Leroy au Conseil de déontologie journalistique (CDJ) suite à un article satirique publié dans Pan, où Madame Pervenche (pseudonyme attribué par les cherchereuses : voir plus loin) désignait Myriam Leroy et Florence Hainaut par les pseudonymes de Sainte-Marie et Sainte-Fleur. Comme quoi nos cherchereuses apprécient également la satire.


Pseudo-science


À travers des analyses sociolinguistiques, en mobilisant des méthodes de lexicométrie, d’analyse de discours et issues des études de genre, nous décortiquons cette conversation comme un cas d’étude inédit.


Ça sonne sérieux. Pour faire science, mesurez n’importe quoi, jetez dans un ordinateur et sortez des graphiques aussi insignifiants que la distribution des messages par jour et par heures (qui montrent, en somme, que les harceleurs sont moins actifs le dimanche, dorment la nuit et déjeunent en milieu de journée, bref se conduisent comme des êtres normaux). Plaisanterie mise à part, ce traçage relève de la surveillance de la vie privée.


Distribution des messages :


Le corpus contient : • 4 265 messages privés envoyés sur une période de 50 jours (27/11/2019 au 23/01/2020) par 5 utilisateur•ice•s (que nous avons systématiquement pseudonymisé•e•s avant l’analyse)


➢ Monsieur Tulipe (1698 messages)

➢ Monsieur Crocus (878 messages)

➢ Madame Pervenche (782 messages) [18%]

➢ Monsieur Sapin (390 messages)

➢ Monsieur Orchidée (327 messages)


Je me présente : Monsieur Sapin (peut-être parce que je suis le plus âgé).

Les cherchereuses ont aussi réalisé un impressionnant « nuage de mots » :


« Comme le montre le nuage de mots, le sujet de prédilection des membres de la conversation est Myriam Leroy. Ils et elle parlent principalement de la journaliste, la critiquent, envisagent les manières de la discréditer. »


Il est évident que Myriam Leroy, qui constitue le point de départ d’une discussion provoquée par ses attaques, y prend une place importante. Néanmoins, dans ces échanges à bâton rompu de 40 jours, nous avons abordé une multitude de sujets, et le nom de Myriam Leroy n’apparaît que dans 4% des messages – de manière totalement disproportionnée à la représentation graphique du mot – qui relève de la falsification.


Illustrant leurs présupposés, les cherchereuses mettent aussi en grand le mot « femme », alors que : « femme » (120) + «nana »(5) + « meuf » (3) = 128 occurrences ; tandis que : « homme » (42) + « gars » (21) + « mec » (42) + « type » (26) = 131 occurences. De plus le mot « femme » est illustré de manière disproportionnée, puisque sa fréquence est la même que d’autres mots dont la typographie est sept fois moins grande. Bel exemple de tromperie sexiste sur la marchandise scientifique.


Science stalinienne ou Inquisition 


Le préjugé non questionné de cette étude – déguisé en science – est que critiquer des femmes serait du « sexisme ». On peut estimer, au contraire, que le véritable sexisme consiste à ne pas pouvoir critiquer une femme à l’égal d’un homme, comme si le sexe était déterminant et autorisait n’importe quel comportement. Je rappelle d’ailleurs que notre discussion a été initié par une femme (la « repentie »).


Nos cherchereuses décèlent dans notre discussion « Une toile de fond réactionnaire & complotiste : Anti-féminisme ». Or le texte de Mme Pervenche, point de départ de notre conversation, était une critique du faux féminisme de Florence Hainaut et Myriam Leroy au nom d’un féminisme plus authentique. Une divergence de vues que nos brillantes cherchereuses escamotent, tout à la recherche du Bien et du Mal.


Les cherchereuses dénoncent aussi, en vrac nos positions : Anti-écologie, Anti-justice sociale en général, Climatoscepticisme, négationnisme, Conspirationnisme… ». Série de concepts non définis, supposant que les opinions des cherchereuses sont objectives et permettent de disqualifier toute opinion différente : c’est du niveau de la science stalinienne.


Leur parti-pris s’exprime aussi dans le soi-disant : "Phénomène d'inversion de la culpabilité : Idée qu’ils et elle sont les victimes de Myriam Leroy qui les persécute."


La véritable science vise à se rapprocher de son objet (microscope, téléscope…) pas à s’en éloigner, comme le font ces cherchereuses de l’Observatoire de Recherche sur les Médias et le Journalisme, qui ignorent – ou prétendent ignorer – tout contexte pour ne s’intéresser qu’à un texte, tout en accusant d’emblée ses auteurs d’être des harceleurs. Une approche scientifique viserait à savoir qui est victime au lieu d’en décider d’avance.


Ajoutons l’indécence de travailler sur une conversation privée sans le consentement des participants, à l’encontre de toute déontologie, comme j’ai eu l’occasion de le faire remarquer aux deux chercheurs avant la publication de leur étude (et je ne compte pas en rester là, voir : ADDENDUM).


Je rappelle que les participants à la discussion ont toutes été victimes de plaintes de Myriam Leroy ou Florence Hainaut, et pourraient se considérer eux-mêmes comme harcelés. Les cherchereuses les accusent au contraire de se victimiser. Madame Pervenche, qui a fait l’objet d’abus sexuels massifs dans l’enfance, rappelle qu’elle est « une vraie victime », et je souligne moi-même que « je préfère défendre les victimes » (comme je l’ai fait, en tant que psychiatre, dans de nombreux dossier de pédophilie), plutôt que d’expertiser des agresseurs.


Les cherchereuses décident pourtant d’une « absence d’empathie vis-à-vis des personnes ciblées (sauf occasionnellement chez Pervenche), légitimée par une pensée réactionnaire. ». Ceci est mensonger, car dans mes interventions je reconnais clairement la souffrance de Myriam Leroy, même si je me permets d’en critiquer les dérives. En voici quelques exemples :


Son premier roman (Ariane) est excellent. L'histoire (en grande partie réelle je suppose) est atroce. Le bouquin décrit les humiliations de son enfance et son adolescence.


Je ne doute pas de sa souffrance. Ariane est un livre très douloureux. Il m'a cassé le moral. Son amie perverse a failli la pousser au suicide. Son traumatisme est énorme, mais elle l'a curieusement déplacé sur les hommes. Son acharnement sur "Denis" [= Monsieur Tulipe] relève peut-être du délire mélancolique (dépression majeure). Actuellement encore, je la vois comme une personne qui souffre, mais aussi d'une habileté perverse. Elle utilise la société pour exposer et cacher en même temps sa souffrance. 


Je ne sais pas si elle souffre encore de problèmes psys graves, mais son bouquin montre que ce fût le cas. Ecrire était sa thérapie et c'est ‘’Denis’’ qui l'a payée ;-) 


Pour rester fidèles à leurs préjugés sexistes, les cherchereuses jugent avec paternalisme – tout en nous accusant de ce travers :


En tant que seule femme du groupe, Madame Pervenche est régulièrement ignorée par les autres membres. Sa présence incarne le syndrome de la Schtroumpfette dans la discussion.


La seule personne qui ait traité Madame Pervenche de Schtroumfette, c’est Myriam Leroy, dans la version de nos messages présentés lors de l’exposition Sexisme Pépouze.

Message affiché à l'exposition Sexisme Pépouze

Je rappelle que Madame Pervenche est l’initiatrice du groupe, qui démarre pour la soutenir, qu’elle est l’auteur d’un cinquième des messages, et que les Saintes est une appellation choisie par elle :


Quand ils n’appellent pas M. Leroy et F. Hainaut “les divas”, les membres du groupe les regroupent ironiquement sous le nom “les Saintes”. D’après eux, elles se font passer pour irréprochables alors que ce sont elles qui les harcèlent. 


Une conclusion de l’étude révèle le biais général sur lequel elle se fonde :


Les tentatives de légitimation sont typiques du néosexisme, qui regroupe tout discours consistant à nier ou remettre en question le caractère sexiste d’un acte ou d’une parole. (Zeinert et al., 2021)


Remettre en question le caractère sexiste d’un acte ou d’une parole, c’est du néosexisme. Donc, soit vous reconnaissez que vous êtes sexiste, soit vous êtes néosexiste – c’est-à-dire coupable de toute manière, de crimes dont on ne sait pas lequel est le plus grave. Ceci rappelle les procès en sorcellerie du moyen-âge où les suspectes étaient jetées à l’eau : si elles coulaient elles étaient innocentes mais mourraient noyées, si elles flottaient elles étaient coupables et on les brûlait. Parfait exemple de double-bind, situations dont on ne peut sortir gagnant, quel que soit le choix opéré. Là on n’est plus dans la science stalinienne, mais dans la logique de l’Inquisition, avec laquelle l’Université Catholique de Louvain semble renouer.


(*) ADDENDUM :

Les chercheurs sont tout à fait conscients d’avoir travaillé sur des données privées :


Pour des chercheur•euse•s en sciences sociales, avoir accès à une conversation comme celle-ci permet d’en apprendre plus sur la manière dont le discours sexiste s’exprime dans des contextes de communication privée.

Le corpus contient : • 4 265 messages privés

Ce corpus de messages privés pourrait représente donc une ressource précieuse, notamment pour l’identification automatique du contenu haineux en ligne. 


Je rappelle cependant que la Belgique dispose d'un cadre légal qui protège le secret des correspondances, couvrant à la fois les correspondances traditionnelles et électroniques.


Le RGPD, applicable en Belgique comme dans toute l'UE, renforce la protection de la vie privée en matière de données personnelles. L'utilisation de données personnelles, y compris des conversations privées, pour la recherche ou d'autres fins, nécessite généralement le consentement explicite ou une autre base légale claire.


Une conversation simplement pseudonymisée (où des identifiants sont remplacés mais où l'identification reste possible avec des informations supplémentaires) ne suffit pas à sortir les données du cadre du RGPD.


Les chercheurs reconnaissent avoir « systématiquement pseudonymisé•e•s avant l’analyse » les « 5 utilisateur•ice•s » ce qui veut dire qu’ils ont pu avoir accès à leur identité, la mienne leur étant de toute façon connue, puisque je les ai mis en garde avant publication.

 

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