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  • Marc Reisinger

Le 11 Septembre a-t-il eu lieu? (3)

Dernière mise à jour : 2 oct. 2023

Chapitre 3 - Le pipeline afghan


La tendance majeure du vingtième siècle réside dans la concentration et l’intégration de l’économie dans de grandes hiérarchies, où l’armée s’étend et joue un rôle décisif pour toute la structure économique ; l’économie et la puissance militaire deviennent structurellement et profondément liées, tandis que l’économie évolue vers une économie de guerre permanente.

C. Wright Mills, L’Elite au pouvoir, 1956


Quelles sont les « opportunités nouvelles » évoquées par l’équipe du Président Bush? Nous avons déjà évoqué la volonté de prendre le contrôle du pétrole de l’Irak, premier coupable désigné des attentats du 11 Septembre. Le deuxième coupable présumé étant l’Afghanistan. Moins d’un mois plus tard, les Etats-Unis attaquaient ce pays pour renverser le régime des Talibans et inaugurer la Guerre à la terreur. Comme les projets visant l’Irak, l’attaque de l’Afghanistan sentait le gaz et le pétrole.


Pour comprendre ce qui s’est passé en Afghanistan, il faut remonter au début des années 1990, où une entreprise pétrolière argentine s’intéresse aux réserves de gaz et de pétrole des anciennes républiques soviétiques d’Asie Centrale. En 1992, un accord de principe est signé entre la compagnie sud-américaine et le gouvernement du Turkménistan pour l’exploitation du champ gazier de Daulatabad et la construction d’un oléoduc traversant l’Afghanistan [1].


Le groupe américain Unocal se joint au projet. Unocal et le groupe saoudien Delta Oil signent en 1995 un accord avec le président du Turkménistan portant sur des exportations de gaz évaluées à 8 milliards de dollars, et prévoyant la construction d’un gazoduc à travers l’Afghanistan, dont le coût était estimé à 3 milliards de dollars.


Ce pipeline devait acheminer le gaz de la région de la mer Caspienne vers l’océan Indien en passant par l’Afghanistan et le Pakistan afin d’éviter l’Iran, pays ennemi, et d’alimenter le marché énergétique d’Asie du sud en pleine expansion.




Un expert énergétique du gouvernement, Sheila Heslin, déclara au Congrès que « l’essence même de la politique US en Asie Centrale était de briser le monopole russe sur le transport du pétrole et du gaz dans cette région, et clairement de favoriser la sécurité énergétique occidentale en diversifiant les fournisseurs »[2].


Selon Olivier Roy, spécialiste en politique islamiste moderne et consultant auprès du ministère des Affaires étrangères français, la prise de Kaboul par les Talibans, le 26 septembre 1996 ne peut se comprendre sans le soutien direct des services pakistanais, avec l’accord des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite, dans le cadre d’un grand projet visant à exporter les hydrocarbures d’Asie centrale par l’Afghanistan et le Pakistan, au détriment de l’Iran et de la Russie. [3]


Quelques mois auparavant, en mai 1996, Oussama Ben Laden était revenu en Afghanistan pour soutenir les Talibans, sous la protection du Pakistan[4] (voir chapitre 4).


Des Talibans blancs comme neige


Au moment où les Talibans prennent le pouvoir en Afghanistan, en septembre 1996, une véritable campagne de blanchiment politique des Talibans est en oeuvre aux Etats-Unis. Un spécialiste de l’Afghanistan au Council of Foreign Relations[5] va jusqu’à prétendre en octobre 1996 : « Les Talibans ne possèdent vraiment aucun lien avec l’internationale islamique radicale. En réalité, ils la détestent… ».[6]


En mai 1997, le Wall Street Journal fait l’éloge des Talibans :


Les Talibans sont les acteurs les plus à même d’obtenir la paix. De plus, ils jouent un rôle crucial afin de stabiliser le pays, et donc d’en faire une importante route de transbordement pour l’exportation des vastes ressources pétrolières et gazières de l’Asie centrale, ainsi que d’autres ressources naturelles[7].


« Le soutien d’Unocal aux Talibans n’est guère dissimulé par le vice-président de la firme, Chris Taggart, qui a qualifié leurs avancées de ‘’développement positif’’ ».[8] En novembre 1997, des représentants Talibans sont invités au siège d’Unocal au Texas pour négocier leur appui au pipeline qui devait s’étendre de Krasnovodsk (Turkménistan) à Karachi (Pakistan). On les emmena à Washington pour des rencontres au Capitole et au Département d’Etat afin de plaider la cause de leur reconnaissance.[9]


Les Talibans rendent aussi visite au professeur Thomas Gouttierre, de l’Université de Nebraska, consultant d’Unocal [10], qui verse 900.000 dollars à l’Université pour créer, près du lieu de résidence de Ben Laden en Afghanistan, un centre de formation de 400 professeurs, électriciens, charpentiers et installateurs de pipeline en prévision de la création d’un pipeline[11]. En 1998, le gouvernement Clinton est en pourparlers avec les Talibans concernant l’itinéraire du pipeline.


« Depuis 1997, une instance nommée Groupe 6+2 réunit les six pays voisins de l’Afghanistan (Iran, Pakistan, Chine, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan), ainsi que la Russie et les Etats-Unis, sous la supervision de l’ONU ».[12] De nombreuses réunions diplomatiques de groupes plus ou moins élargis ont lieu de 1998 à 2001, incluant l’Alliance du Nord, qui contrôle 10 % du territoire. On prévoit la création d’une Grande Assemblée afghane et un retour éventuel de l’ancien roi exilé à Rome.


Vers la guerre


Pendant que certains font tout pour rendre les Talibans présentables, d’autres semblent s’évertuer à faire le contraire. Ben Laden prend de plus en plus le devant de la scène. En août 1996, il a lancé une déclaration de guerre contre les Etats-Unis.[13] « En février 1998, il lance le Front International islamique, avec le soutien des Talibans. A cette occasion, il émet une fatwa qui autorise les attentats contre les intérêts et les ressortissants américains. »[14]


En août 1998, « des engins explosifs détruisent les ambassades de Dar-es Salaam et Nairobi, faisant 224 morts, dont 12 Américains ».[15] Peut-on imaginer que les services secrets pakistanais et saoudiens soutenant Ben Laden – agissant, comme on le sait, conjointement avec la CIA - ne voulaient pas d’un accord de paix élargi sur l’Afghanistan, mais plutôt une pax americana (c’est-à-dire une invasion de l’Afghanistan et de l’Irak)?


Lors d’une opération au nom présomptueux d’Infinite Reach, les Etats-Unis envoient des missiles de croisière sur d’anciens camps d’entraînement à peu près vides en Afghanistan[16], ainsi que sur une usine pharmaceutique au Soudan, sans rapports connus avec le terrorisme. Une attaque qui fera de Ben Laden un « symbole de la résistance à l’Ouest »[17]. Le gouvernement américain met aussi la tête de Ben Laden à prix pour 5 millions de dollars. En juin 1999, il est placé par le département américain de la Justice sur la liste des dix criminels les plus recherchés au monde.


Unocal ferme ses bureaux en Afghanistan et au Pakistan[18] et Washington prend officiellement ses distances avec les Talibans, qui ont désormais mauvaise presse. Le mouvement Feminist Majority fait campagne contre la firme Unocal, l’accusant de soutenir les Talibans qui asservissent les femmes. Hilary Clinton apporte son soutien au mouvement.


L’intérêt des Etats-Unis pour le gazoduc afghan n’a pas disparu pour autant. Si l’on ne peut s’allier aux Talibans, on les attaquera. Les « faucons » l’emportent sur les « colombes ».


Une réunion du groupe de contact international sur l’Afghanistan créé sous les auspices de l’ONU a encore lieu à Berlin en juillet 2001, où le représentant américain aurait menacé les Talibans :


Au cas où les Talibans ne se conduiraient pas comme il faut, et où le Pakistan échouerait à les faire se conduire comme il faut, les Américains pourraient user une autre option qualifiée de "non dissimulée" contre l'Afghanistan. (...) Les mots utilisés étaient "une opération militaire"[19] ». Cette opération militaire aurait lieu avant les chutes de neige, au plus tard à la mi-octobre.[20]


Deux jours avant le 11 Septembre le Président Bush reçut des plans détaillés d’une action militaire contre Al Qaïda en Afghanistan. [21] Le but de cette directive ultra-secrète était « d’effacer Al Qaïda de la surface de la terre ». C’était quasiment le plan que la Maison Blanche, la CIA et le Pentagone mirent en œuvre après le 11 Septembre. Le plan comprenait une demande au gouvernement taliban de remettre leur leader Oussama Ben Laden aux Etats-Unis, avec une menace d’usage de la force en cas de refus.


On comprend mieux la petite phrase du Président Bush immédiatement après les attaques du 11 Septembre : « Nous sommes en guerre… Quelqu’un va payer » ; ainsi que sa déclaration le lendemain matin : « Ce n’étaient pas des actes de terreur : c’étaient des actes de guerre ». Les plans de la riposte étaient déjà sur son bureau : « L’administration put probablement répondre si rapidement aux attaques parce qu’il n’y avait qu’à prendre les plans sur l’étagère ».[22]


Les attaques du 11 Septembre - supposés être une pure surprise - semblent s’inscrire dans une continuité d’intention. Le pouvoir qui prônait la mainmise sur les ressources pétrolières extérieure, établissait l’inventaire des ressources pétrolières irakiennes, espérait un nouveau Pearl Harbor et menaçait les Talibans après les avoir soutenus, serait-il complètement étranger à ces attaques ?


[1] Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, Ben Laden la vérité interdite, 2002, p.52 [2] Sheila Haslin, témoignage devant la commission sénatoriale sur les collectes de fonds illégales, le 17 septembre 1997, in Peter Dale Scott, La Route vers le Nouveau Désordre Mondial, Editions Demi-Lune, 2013, p. 51 [3] Olivier Roy, Le Monde Diplomatique, novembre 1996 [4] Nafeez Mosaddeq Ahmed, La Guerre contre la vérité, 2006, p.26 [5] Editeur de Foreign Affairs, revue internationale la plus influente en matière de géostratégie et de politique de défense. [6] Barnett Rubin, interview accordée à Time, 14/10/1996, cité par Brisard et Dasquié, p.54 [7] Wall Street Journal, « Afghan Mutiny Boosts Islamist Fighters, Chances for Western-built Oil Pipelines”, 20/05/1997 [8] Pierre Abramovici, “L’Histoire secrète des négociations entre Washington et les Talibanss », Le Monde Diplomatique, janvier 2002 [9] « How the Taliban Escaped State department’s Terrorism Blacklist”, International Herald Tribune, 06/11/2001. [10] Robert Dreyfuss, Devil's Game: How the United States Helped Unleash Fundamentalist Islam (American Empire Project), 2005. [11] “Oil barons court Taliban in Texas”, The Telegraph, 14/12/1997. [12] Pierre Abramovici, “L’Histoire secrète des négociations entre Washington et les Talibanss », Le Monde Diplomatique, janvier 2002 [13] Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, Ben Laden La vérité interdite, Denoël, 2002, p.224 [14] Pierre Abramovici, “L’Histoire secrète des négociations entre Washington et les Talibanss », Le Monde Diplomatique, janvier 2002 [15] Idem [16] « Inside The Ring : Missing bin Laden”, Washington Times, 18/9/2008 [17] Peter L. Bergen, p.38 [18] Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, Ben Laden la vérité interdite, 2002, p.62 [19] “Quand Washington négociait avec les Talibanss”, Le Monde, 13/11/2001 [20] “US planned attack on Taleban”, BBC News, 18/09/2001 [21] Jim Miklaszewski, Alex Johnson, U.S.Sought Attack on Al-Qaïda, NBC News, May 16, 2002 [22] Idem

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