
J’ai décrit ma surprise en découvrant le portrait que dressaient de moi deux « chercheur.euse.s » de l’UCL (comme il et elle se définissent), recrutées à titre de témoins à charge par Myriam Leroy, à partir d’une conversation Messenger privée détournée sans mon consentement.
Je n’ai jamais harcelé ni violé personne, et je ne pense pas avoir fait plus de mal ou de bien aux femmes qu’elles ne m’en ont fait. Pendant toute ma carrière de psychiatre, j’ai lutté contre la stigmatisation des usagers de drogue, contre les réseaux pédophiles, pour le droit à l’euthanasie. Ce qui n’empêche pas ces cherchereuses de me tailler un costume de harceleur sexiste d’extrême-droite.
Cela m’oblige à me demander ce qui cloche chez eux. Mon commentaire sur leur étude a été vu plus de dix mille fois sur X, et envoyé à l’Université Catholique de Louvain. Je pensais que ces cherchereuses téméraires allaient se faire taper sur les doigts par leur alma mater. Du tout, la seule réaction de l’Université a été de fermer son compte Twitter - participant au grand repli totalitaire face à la liberté d’expression. Les autorités académiques semblent complices de leurs cherchereuses et ne considèrent pas leur article comme un dévoiement, mais comme une production scientifique valable. L’Université Catholique est-elle devenue Université Wokiste de Louvain ?
Une imposture intellectuelle
Pour comprendre l’attitude de l’Université et de ses chercheurs, il faut étudier l’idéologie sur laquelle ils s’appuient, une idéologie démystifiées par un de ses anciens promoteurs, l’historien canadien Christopher Dummitt. Celui-ci a décrit l’enthousiasme avec lequel il a enfourché la théorie du genre, sévissant sur les campus nord-américains dans les années 1990.
Dans les facs d'histoire nord-américaines des années 1990... l'histoire du genre – et, plus généralement, les études de genre – constituait un ensemble de sous-disciplines à base identitaire en pleine phase ascendante dans les campus d'arts libéraux. Il s’agit d’une vision du monde : que pratiquement toutes les identités ne sont qu'une construction sociale et que l'identité n'est qu'une question de pouvoir.
Le premier livre de Dummitt sur le sujet en 2007 était constitué une étude historique, où il observait la plasticité du rôle des hommes et des femmes dans le Canada d’après-guerre. Il en déduisait, de manière péremptoire, que la biologie ne jouait aucun rôle dans ces différences, et ne servait qu’à justifier un rapport de domination des hommes sur les femmes.
Dummitt n’est pas le premier ni le principal représentant de la théorie du genre, notamment formulée par Judith Butler en 1990, mais sa position de repenti démasquant l’imposture est intéressante. Il reconnaît que sa théorie était bâtie sur l’idéologie, pas sur la science :
Mes réponses, je ne les ai pas trouvées dans mes recherches, je les ai tirées de mes convictions idéologiques : un ensemble de croyances préconçues et intégrées a priori dans la pénombre académique que sont les études de genre, l’idée que le genre est une construction sociale, dont les contours ne peuvent être attribués qu'au pouvoir et à l'oppression.
Dummitt est sidéré aujourd’hui que ses convictions erronées soit devenues la doxa, l’idéologie dominante.
Mon raisonnement bancal et d'autres travaux universitaires exploitant une même pensée défectueuse sont aujourd'hui repris par des militants et des gouvernements pour imposer un nouveau code de conduite moral.
Le vice fondamental de la théorie du genre
Je dirais, de manière synthétique, que le péché originel de la théorie du genre réside dans deux idées complémentaires :
1) La relation de domination hommes/femmes est intangible.
2) Le sexe est fluide : il en existe une infinité, les femmes peuvent avoir un pénis, les hommes avoir leurs règles et accoucher...
Les rapports de domination seraient constants et les différences sexuelles variables. En réalité, c’est le contraire : la situation des femmes en Afghanistan ou en Iran par exemple, n’a rien à voir avec celle des sociétés développées. Par contre le sexe biologique est une réalité universelle. Il existe deux sexes biologiques, même s’il y a de rares cas d’intersexualité (combinant certains caractères de ces deux sexes), et même si tous les individus ne s’identifient pas psychiquement à leur sexe biologique. Ces idées fausses – sur le rôle respectif de la société et de la biologie – ont produit un vaste délire dans lequel les sociétés occidentales s’embourbent.
Un avatar de la lutte anticapitaliste
Christopher Dummit souligne que ces idées ont été stimulées par la French Theory envahissant les campus américains des années 1970-1980. Jordan Pederson a aussi rappelé que ces théoriciens français étaient des marxistes honteux conscients de l’échec du communisme, qui ont remplacé l’exploitation de la classe ouvrière par le capitalisme par une focalisation sur les rapports de domination applicables à toutes les minorités.
Le philosophe français Jacques Derrida a mis à la mode le concept de déconstruction du sens, permettant de dire à peu près n’importe quoi. En y ajoutant l’idée aberrante de Michel Foucault selon laquelle la notion de vérité n’est fondée que sur un rapport de domination, tous les délires wokistes deviennent possibles. Si la vérité n’existe pas, bienvenue dans le règne du n’importe quoi et de l’hystérie wokiste. Pour approfondir les racines philosophiques de cette entourloupe, voir :
Au nom de la post-vérité, les wokistes peuvent vous accuser de tous les crimes imaginables (sexisme, climato-scepticisme…). Ils ne considèrent en rien ces accusations comme subjectives, mais comme objectives et incontestables. L'article suivant, représentatif de la théorie du genre et de son jargon rébarbatif (je vous défie de le lire entièrement), estime que les minorités peuvent considérer ce qui les offense comme de la haine objective (donc condamnable). (Subjective Isms? On the Danger of Conflating Hate and Offence in Abusive Language Detection). https://aclanthology.org/2024.woah-1.22.pdf
L’avis des experts minoritaires est rédhibitoire. On n'est plus dans la science mais dans le militantisme. Si vous êtes accusé de sexisme, nier ne fait qu’aggraver votre crime, comme l’expliquent d’autres spécialistes du genre :
Le « néosexisme regroupe tout discours consistant à nier ou remettre en question le caractère sexiste d’un acte ou d’une parole. (Zeinert, “Annotating online misogyny”, 2021)
Remettre en question le caractère sexiste d’un acte ou d’une parole, est du « néosexisme ». Donc, soit vous reconnaissez que vous êtes sexiste, soit vous êtes néosexiste – c’est-à-dire coupable de toute manière. Parfait exemple de « double-bind » ou double-contrainte, situation dont on ne peut sortir gagnant, quel que soit le choix opéré. La conception wokiste de la liberté d’expression, c’est : « Je cause, tu te tais ! »
Dans la justice wokiste (qu’on pourrait appeler néo-justice) le crime est établi d’avance. Pas d’instruction à charge et à décharge, pas d’argumentation. Si l’accusé proteste, il ne fait qu’aggraver son cas. C'est une rupture avec le droit et la tradition rationaliste occidentale. La justice sociale (wokisme) devient ainsi injustice sociale.
Si seul l’avis des minorités compte, celles-ci sont tyraniques, le dominé devient dominant, dans une resucée wokiste de la dictature du prolétariat. La haine provenant des Blancs ou des mâles, serait omniprésente dans le « racisme structurel » ou le « patriarcat » de notre société. La haine émanant des « racisés » ou des minorités sexuelles n’existerait pas : ils ou elles sont innocents par essence: « Vieux mâle blanc » n’est pas une insulte, c’est un constat. Le wokisme opère ainsi une redéfinition, une prise de possession dictatoriale de la réalité et du langage. Il est triste que cette idéologie fleurisse dans nos universités, au moment où elle s’éteint aux Etats-Unis.
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