
Je découvre par hasard en rue, sur le rebord d’une fenêtre, quelques vieux magazines et un exemplaire du quotidien Le Soir de septembre 1940 que j’emporte. Toujours amusant de se plonger dans un journal présentant les nouvelles du jour d’il y a près d’un siècle.
« Nouvelles et violentes attaques contre Londres »
« Encore des bombes sur le littoral belge »
« Une deuxième conférence entre le Duce et M. von Ribbentrop »
A première vue, ces titres semblent assez neutres, trop sans doute, car le mot « Attaque » contre Londres est ambigu : de quel côté se situe-t-on ? pourquoi ne pas parler de « bombardement » de Londres ? surtout en faisant référence aux bombes tombées sur « le littoral belge », certainement envoyées par les Anglais, de même que les bombardements d’Anvers évoqués en page deux.
En septembre 1940 la Belgique est occupée par les Allemands depuis quelques mois. La rédaction du Soir a changé, c’est ce qu’on appelle « Le Soir volé », avec sa rédaction collaborationniste.
C’est surtout le long éditorial qui le révèle. Le texte ironise et dénonce ceux qui se plaignent des files pour l’approvisionnement alimentaire et qui décrivent « l’avenir avec des traits effroyables parce qu’ils ont dû faire la file chez l’épicier du coin pour avoir des pommes de terre ».
Sous-entendu, ces gens sont des faibles, des velléitaires, qui ne perçoivent pas la « lutte gigantesque… où s’élabore dans le feu et le sang notre proche destin ». L’article dénonce aussi « la consigne de Londres : il faut affamer le Continent ». L’ennemi est donc clairement désigné, même s’il n’est pas nommé (Churchill) pas plus que l’ami Hitler. Mais quelque chose de plus me dérange dans le ton de l’article, comme une réminiscence…
Il n’y a pas si longtemps qu’on se moquait de ceux qui se plaignaient des files devant les magasins d’alimentation, des fermetures de l’horeca, du confinement, des masques et du vaccin – censées nous protéger contre un grand danger et permettre de changer radicalement la société.
C’est le thème de la Grande Réinitialisation (« Great Reset ») de Klaus Schwab, patron du Forum Economique Mondial, pour qui la pandémie de Covid-19 offrait une occasion de façonner une reprise économique et l'orientation future des relations, des économies et des priorités mondiales. Le président américain Joe Biden, la première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern et le premier ministre canadien Justin Trudeau ont intégré dans leurs discours l'idée d'une « réinitialisation » post-COVID-19.

Les innovations, la science et la technologie doivent être revigorées afin que nous puissions réaliser des percées importantes. Cette nouvelle hiérarchie des valeurs nécessitera une remise à zéro de la manière dont nous gérons le changement climatique qui, comme la pandémie, est un phénomène mondial. La quatrième révolution industrielle modifiera profondément la société et la vie individuelle.
Un article publié par le WEF s’intitulait : « Bienvenue en 2030. Je ne possède rien, je n'ai pas de vie privée et la vie n'a jamais été aussi belle ».
Dans ce scénario, tout ce qui avait été produit était devenu service librement accessible, rendant inutile la propriété personnelle de biens ou de biens immobiliers. Cet article a été justement critiqué pour avoir dépeint une utopie irréaliste au détriment de la vie privée.
Certes j’ai l’esprit mal tourné, mais cette rhétorique m'évoque aussi ces phrases du Soir de septembre 1940 :
« Pas d’avenir meilleur possible si, au préalable, la pioche n’a pas été portée d’une main décidée dans toutes les parties caduques, vermoulues de la société ».
« Nous devons vivre sobrement. Excellente préparation à l’existence future qui éliminera une fois pour toutes les goûts et les besoins artificiels que la société industrielle a multiplié dangereusement et qui , envahissant notre vie comme une mauvaise graisse, nous détournaient de l’essentiel ».
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