Après avoir vu passer plusieurs fois cette photo de journalistes (à droite) visionnant une vidéo sur les barbaries du Hamas du 7 octobre, le visage de la femme que j’ai entouré me laisse perplexe : rictus ou joie mauvaise?
Que voient ces journalistes horrifiés – sauf une ? Libération a résumé le contenu de cette vidéo de 48 minutes dévoilée à des journalistes par les autorités israéliennes, mais qui n’a jamais été montrée au public. Extrait :
Photos : Bébé tué, de la matière cervicale s’échappe de son crâne. Quatre corps d’enfants brûlés. Cinq corps d’enfants morts. Corps dans des sacs mortuaires.
Enregistrement audio : conversation entre Mahmoud, un homme du Hamas dans Mefalsim et ses parents dans la bande de Gaza.
« J’ai tué dix Juifs de mes propres mains, regardez sur WhatsApp. Soyez fier de moi.»
Immédiatement après avoir posté ma question, je reçois cette réponse agressive d’un photographe professionnel :
« Houlala... il faut aller consulter... C'est clairement une gêne au bord des larmes.... Mon métier est l'image, et je trouve douteux de la part d'un psy de déceler ou de soupçonner un indice de plaisir dans cette grimace. Je trouve déplorable de mettre cette femme dans une situation de possible perverse… »
Curieux de comprendre sa réaction, je remonte son fil FB, où ne se trouve pas la moindre référence aux massacres du 7 octobre, rien sur le Hamas en dehors de la dénonciation de la riposte de l’armée israélienne. Etrange emportement de quelqu'un si placide face à ces horreurs.
Je réponds :
« Tu t'emballes, après avoir montré tant de froideur pendant les événements. Ça te dérange que je puisse imaginer une "joie mauvaise". Comme si les Palestiniens eux-mêmes n'avaient pas exprimé cette joie. Qu'as-tu ressenti toi le 7 octobre? »
Sa réponse :
« Costaud ce jeu de culpabilisation. Je pense que ces meurtres sont atroces, que la haine entre deux peuples ne pouvait aboutir qu'à ce genre de situation, comme un abcès qui éclate. »
" Un abcès qui éclate…", image qui retire toute responsabilité aux responsables de "l'éclatement", avant d’orienter le regard vers les responsables de l'abcès, soit Israël, puisque les Palestiniens ne sont jamais que des victimes. Façon désaffectivée de considérer les événements, qui n’est pas sans évoquer la vision nazie des Juifs comme une maladie infectieuse.
Elle se protège, elle regarde Tik Tok?
« Peut-être qu’elle se protège… » avance quelqu’un. Bien sûr qu'elle se protège, le tout est de savoir comment. L'identification à l'agresseur – le parti pris pour lui – est une excellente protection. La compassion pour les Palestiniens peut dissimuler beaucoup de choses.
Autre hypothèse assez sensée : « Elle est occupée à visionner quelque chose sur Tik Tok, FB ou (dieu) sait quoi. »
Possible en effet (bien que les téléphones soient supposés avoir été interdits dans la salle), mais rien à voir avec la description proposée par notre professionnel de l'image ("une gêne au bord des larmes").
Consulter son portable pendant qu'on lui montre des infos auxquelles le public n’a pas accès, c'est au minimum un manque de conscience professionnelle, indiquant qu'elle n'en a pas grand-chose à faire. Et celui qui la défend partage, comme par hasard, son refus de voir.
Cette photo me rappelle, dans une horrible inversion, cet homme seul au milieu d’une masse à ne pas faire le salut nazi, incarnant l’honneur de l’humanité. Cette journaliste, c’est plutôt le déshonneur.
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