L’élément nouveau qui pourrait rouvrir le dossier Dutroux dit « BIS »
Marc Dutroux a été condamné à la prison à perpétuité pour assassinats, viols sur mineures, séquestration, association de malfaiteurs et trafic de drogue, en 2004.
En juin 1995, Julie Lejeune et Mélissa Russo, âgées de 8 ans, étaient enlevées près de Liège. Dutroux les a séquestrées et laissées mourir de faim avec la complicité de son épouse. Le 22 août 1995, An Marchal et Eefje Lambrecks, âgées de 17 ans et 19 ans, disparaissent après avoir assisté à un spectacle au casino de Blankenberge. Marc Dutroux les a enterrées, vraisemblablement vivantes, en septembre 1995. Le 28 mai 1996, Sabine Dardenne, âgée de 12 ans, est enlevée, de même que Laetitia Delhez, 14 ans, le 9 août 1996. Le 15 août 1996. Laetitia Delhez et Sabine Dardenne ont été libérées par la gendarmerie de la cave de Dutroux où elles étaient séquestrées.
Examiné en 2020 par trois experts psychiatres, il a déclaré qu’il « ne souhaite aucune forme de libération, mais exige la réouverture de son procès qui, inéluctablement selon lui, conduira à l’innocenter et à le faire sortir par la grande porte » (1). De toute façon sa libération est peu concevable, car il ne présente aucun plan de réinsertion. Les psychiatres concluent d’ailleurs à un « profil psychopathique » avec « sadisme sexuel sévère » et risques de récidive élevé.
Rien de neuf par rapport aux expertises précédentes. Par contre, l’anamnèse de Dutroux met en exergue un point essentiel du dossier judiciaire. Il faut se rappeler que Dutroux était suspecté d’avoir enlevé en août 1996 Laetitia Delhez avec la complicité de Michel Nihoul, un homme d’affaire bruxellois véreux. Au début de l’enquête Michèle Martin et Michel Lelièvre, l’homme de main de Dutroux, avaient également témoigné de la complicité de Nihoul dans l’enlèvement de Laetitia, mais au cours du procès tous les accusés se sont montrés mutiques à ce sujet.
Le procureur du Roi Michel Bourlet a plaidé la responsabilité de Nihoul dans cet enlèvement, et convaincu le jury d’Assises, qui répondit oui sur ce point à 7 voix contre 5. Dans un coup de théâtre, les magistrats professionnels ont fait pencher la balance dans le sens de l'acquittement de Nihoul pour ce fait.
Tout le monde ne fut pas surpris par le « sauvetage » de Nihoul. Il faut savoir que ce dernier était impliqué dans le « dossier X1 », fondé sur le témoignage d’une victime évoquant des viols et assassinats de mineurs, impliquant de hautes personnalités belges, dont un banquier, des politiciens et d’anciens ministres. Un dossier clôturé par la magistrature de manière anormale, comme l’ont souligné à l’époque le président de la Commission d’enquête parlementaire Dutroux et ex-ministre de la Justice, Marc Verwilghen, ainsi que des enquêteurs et des journalistes (2) (3) (4). En sauvant Nihoul, les magistrats ont aussi sauvé la Belgique de l’idée infâmante qu’il existerait des réseaux pédo-criminels dans ce pays.
Inquiet que des pistes dites « périphériques » ne soient jamais analysées, que des enquêtes de fonds ne soient pas réalisées, le procureur Bourlet avait instruit avec le Juge Langlois un « dossier [Dutroux] Bis ». Ce dernier évoque largement Nihoul, 28 pistes jamais ‘grattées’ ainsi que l’analyse ADN des cheveux retrouvées dans la cache de Dutroux. Il est à noter que ce dossier Bis pourrait être rouvert si un élément neuf apparaît.
Extrait du réquisitoire de Michel Bourlet présentant une piste jamais explorée bien que rattachée au Dossier Bis, très vite refermé.
Or, revenant sur son silence lors du procès, Dutroux vient de déclarer aux experts-psychiatres que l’enlèvement de Sabine et Laetitia a été « exécuté sur ordre de Nihoul et de commanditaires qu’il ne peut dénoncer » (3). Le décès récent de Michel Nihoul en 2019 semble avoir rafraîchi la mémoire de Dutroux, qui n’a pourtant pas grand-chose à gagner sur ce point, puisqu’il est établi que c’est lui qui a enlevé Sabine et Laetitia.
La désignation tardive de Nihoul dans les enlèvements d’enfants constitue, selon moi, un point fondamental pour la compréhension des liens entre l’affaire Dutroux et les Dossiers X, ainsi qu’un élément neuf qui pourrait pousser la justice belge a rouvrir un dossier classé sans suite dans des conditions nébuleuses, le « Dossier Bis ». Je m'étonne qu'aucun magistrat ni aucun média n'aie relevé cet élément neuf. Il est temps que la vérité éclate sur des événements qui ont bouleversé le monde judiciaire belge à la fin du siècle dernier.
Extrait du rapport d’expertise psychiatrique de Marc Dutroux où ce dernier pour la première fois reconnaît que l’enlèvement de Sabine et Lætitia lui a été commandé par feu Jean-Michel Nihoul :
(1) Rapport préliminaire des trois psychiatres à la demande du Tribunal d'application des peines (TAP) de Bruxelles, septembre 2020
(2) Marc Verwilghen, « Paroles d’homme », Editions La Longue Vue, 1999
(3) Bulté, De Coninck, Van Heeswyck, « Les Dossiers X, ce que la Belgique ne devait pas savoir sur l’affaire Dutroux », EPO, 1999
(4) Marc Reisinger, postface à Régina Louf, « Silence on tue des enfants », Editions Mols, 1998
Comments